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La scène se déroule le 20 novembre, au milieu du désert, à la frontière entre la Libye et le Soudan. Une milice alliée à l’armée soudanaise – la force conjointe qui réunit le Mouvement pour la justice et l’égalité et le Mouvement populaire de libération du Soudan – intercepte un convoi et une cargaison d’armes suspectée d’appartenir aux Forces de soutien rapide (FSR). Dans une vidéo parue sur les réseaux sociaux, on peut voir les miliciens, après leur embuscade, fouiller des décombres.
Visiblement circonspects, ils se trouvent en possession de plusieurs pièces d’identité étrangères. « Ils ne sont pas soudanais ? », lance l’un. « Des Français ? On dirait le logo du Paris Saint-Germain », tente un autre. Après avoir spéculé plusieurs minutes, l’auteur de la vidéo finit par s’exclamer : « Des Colombiens ! »
Une enquête menée par le quotidien colombien La Silla Vacia identifie ces hommes comme étant des mercenaires de ce pays. Le journal révèle qu’au moins trois cents d’entre eux se trouveraient soit sur le sol soudanais, où se déroule une guerre civile, soit en Libye, par où ils transitent. L’enquête lève le voile sur une vaste opération de mercenariat, dans laquelle ces soldats retraités de l’armée colombienne se retrouvent plongés au cœur du conflit soudanais par l’intermédiaire des Emirats arabes unis (EAU).
Depuis le 15 avril 2023, les généraux soudanais Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane, à la tête du gouvernement militaire, et Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », chef de la milice des FSR, se livrent une guerre fratricide. Le conflit a déjà fait des dizaines de milliers de morts et déplacé plus de 11 millions de personnes, dont 3,1 millions à l’extérieur du pays, selon les Nations unies.
Les deux protagonistes reçoivent l’aide de pays étrangers, qui alimentent ce conflit. Abou Dhabi aide financièrement et matériellement les forces de « Hemetti », avec qui elle entretient d’étroits liens d’affaires. C’est aux côtés des FSR que ces mercenaires colombiens se battent au Soudan, dans le nord du Darfour, dans les environs d’El-Fasher, région dans laquelle ils sont chargés de repousser une contre-offensive de l’armée soudanaise depuis le mois de septembre. A terme, selon La Silla Vacia, l’opération devait mobiliser jusqu’à 1 800 combattants venus de Colombie.
Le média est parvenu à entrer en contact avec plusieurs de ces anciens membres de l’armée colombienne pour retracer leur parcours. Quarante de ces militaires retraités affirment être victimes d’un vaste réseau « de trafic d’être humains » et être détenus contre leur gré. Ils disent avoir initialement postulé à une offre d’emploi dans une entreprise colombienne spécialisée dans la sécurité privée pour protéger des infrastructures pétrolières aux EAU ; ils se seraient vus offrir un salaire de 2 600 dollars par mois (environ 2 500 euros). Ladite compagnie, dirigée par un sulfureux ancien colonel obligé de quitter l’armée colombienne en 2007 en raison de relations troubles avec un cartel de la drogue, est domiciliée à Dubaï.
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